⚠️ Ce film comporte des scènes susceptibles de heurter la sensibilité de certaines personnes

7 jours 23 heures et 5 minutes. C’est le temps que Muhammad Faris passe dans l’espace en juillet 1987, devenant ainsi le tout premier cosmonaute syrien. À son retour sur Terre, Muhammad est célébré comme un héros national. Des écoles, des rues, un aéroport portent son nom.

Quand la guerre civile éclate en Syrie en 2011, le natif d’Alep renie le régime sanglant de Bachar al-Assad et se joint aux manifestations, avant de fuir vers la Turquie voisine avec sa famille. Comme des millions de ses compatriotes, le cosmonaute devient alors un réfugié.

« Si la Terre est belle vue de l’espace, c’est parce qu’on n’y voit pas les cicatrices des frontières. »Muhammad Faris

Un court métrage documentaire réalisé par Charles Emir Richards

Production : Enis Özkul, Charles Emir Richards, Racha Najdi
Photographie : Charles Emir Richards
Conception artistique : Murat Palta, Garip Ay
Musique originale : Murat Ertel
Montage : Khaled Nadim
Effets visuels : Emre Aypar
Design sonore : Celal Kıvanç
Assistant à la réalisation : Onur Bektaş
Supervision de la production : Onur Bektaş
Supervision de la post-production : Arda Erkmen
Étalonnage : Ercan Küçük

Interview

Charles Emir Richards | 99.media

Charles Emir Richards Réalisateur

“Muhammad Faris était un personnage plus grand que nature. Il n’a jamais perdu espoir. Pas une seconde.”
  • Peux-tu nous dire quelques mots sur toi, Charles Emir ?


Je suis moitié Turc, moitié Américain, et je vis à Istanbul. J’ai commencé par faire mes armes dans la publicité et les clips musicaux. Et puis j’ai découvert le documentaire assez tard dans ma vie, mais une fois que je m’y suis plongé, j’ai été complètement captivé, accro, passionné… Choisissez l’adjectif que vous voulez !

The Syrian Cosmonaut | 99.media
  • Comment as-tu fait la connaissance de Muhammad Faris?


Un ami m’a parlé de lui, comme ça, au détour d’une conversation, et je n’arrivais pas à croire qu’un astronaute vivait en exil dans la même ville que moi. J’ai alors demandé à une autre amie, qui dirige un magazine, si elle pouvait le contacter pour l’interviewer. Elle m’a dit qu’elle était d’accord, mais que je devrais faire l’entretien moi-même. Nous nous sommes si bien entendus que nous avons finalement décidé de faire un documentaire ensemble.

  • Pendant les séquences d’interview face caméra, on sent que tu as en face de toi un homme très déterminé, mais aussi très calme. Quelle impression t’a-t-il fait ?


Muhammad Faris était un personnage plus grand que nature, à l’écran comme au naturel. Il dégageait un vrai charisme. Après notre première série d’entretiens, je lui ai dit que j’avais rencontré beaucoup de célébrités, mais que je n’avais jamais été aussi enthousiaste. Il s’est tourné vers moi, très simplement, et m’a dit que c’était… normal ! Parce qu’il y a des millions d’artistes, de chanteur·euses et d’acteur·ices, mais seulement environ 550 astronautes sur Terre.

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  • Après plus de 13 ans de guerre civile, le régime de Bachar Al-Assad est finalement tombé en décembre 2024. Malheureusement, Muhammad Faris est décédé quelques mois plus tôt, en avril 2024, des suites d’une crise cardiaque, à l’âge de 74 ans. Il n’a pas eu la joie de revoir la Syrie libérée. Comment vivait-il son exil en Turquie ?


Il s’est toujours impliqué au sein de la communauté syrienne d’Istanbul. Il était aussi infatigablement dévoué à la vulgarisation des sciences et de l’exploration spatiale.

Une chose dont je peux témoigner avec certitude, c’est que Muhammad Faris n’a jamais perdu espoir, pas une seule seconde. Jusqu’à la fin, il croyait que la Syrie deviendrait un jour un pays libre et démocratique.

Nous avons assisté à ses funérailles, et c’était déchirant de constater qu’il n’a pas vécu assez longtemps pour voir ce en quoi il croyait si ardemment. Je pense qu’il aurait été très heureux de savoir qu’il allait être enterré dans son pays natal.

C’est difficile à imaginer aujourd’hui, mais à son époque, il était l’équivalent de tous les Beatles réunis !”
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  • Muhammad Faris a été effacé de l’histoire syrienne après sa fuite en Turquie. Quelle est la situation aujourd’hui ? A-t-il été réhabilité par le nouveau régime ?


Son fils Houzeyfa joue un rôle actif dans le nouveau paysage politique national. Il vient même d’être élu sénateur. Il m’a dit au téléphone qu’il avait enfin obtenu, après toutes ces années, l’accès à toutes les archives de son père.

Personne n’a oublié Muhammad Faris en Syrie. C’est difficile à imaginer aujourd’hui, mais à son époque, il était l’équivalent de tous les Beatles réunis ! Des démarches sont en cours pour lui redonner la place qu’il mérite dans l’histoire syrienne.

  • Ton film est riche sur le plan esthétique, car il combine archives historiques, images amateur, extraits de vieux films de science-fiction, entretiens face caméra et animation. Pourquoi avoir fait ce choix ?


Quand on pense aux voyages dans l’espace, on voit presque toujours les choses d’un point de vue occidental, à travers un imaginaire américain ou russe. On voit rarement un regard oriental sur la conquête spatiale. Pour moi, ce film était une occasion exceptionnelle d’intégrer aux archives et interviews classiques des éléments moyen-orientaux méconnus : la musique, les miniatures ottomanes, et l’espace lui-même, qui dans une grande partie du film est représenté grâce à la technique du papier marbré, que l’on appelle l’ebru, « l’art des nuages ».

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  • Ton film est coupé en deux, avec une première partie sur le voyage spatial jusqu’à l’irruption de la violence de la guerre. Tes choix esthétiques confèrent pourtant une dimension onirique à ton récit, dont le fond est tragique.


Je n’avais pas consciemment pensé le film comme un rêve, mais je comprends pourquoi on pourrait le penser. Au début du processus, quand je travaillais encore sur papier, j’avais envisagé de donner aux séquences animées un aspect de livre pour enfants. Mais avec toutes les tragédies que la Syrie a traversées, cette approche ne semblait pas appropriée.

Travailler sur les miniatures ottomanes fut à la fois magnifique et très difficile. J’ai collaboré avec un artiste formidable, Murat Palta, et il nous a fallu beaucoup de temps pour déterminer comment animer ses créations.

L’art de la miniature n’est plus courant en Syrie depuis les années 1940-50 et c’est également un art en voie de disparition en Turquie. L’utiliser, c’était une façon de préserver ce savoir-faire. Malheureusement, beaucoup de spectateurs occidentaux ne perçoivent pas cette référence aux miniatures lorsqu’ils découvrent le film.

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  • Quels sont tes projets en ce moment ?


Nous venons tout juste de commencer le développement d’un nouveau documentaire, avec une grande partie de l’équipe qui a travaillé avec moi sur Le cosmonaute syrien. Cette fois, nous nous intéressons aux animaux de la région d’Anatolie que l’on croyait disparus, ou qui sont en voie de disparition, et qui commencent aujourd’hui à réapparaître. C’est une histoire intéressante, non seulement d’un point de vue écologique, mais aussi culturel.

Ce qui nous plaît, c’est que ces animaux sont porteurs de symboles mythologiques et folkloriques qui sont toujours très ancrés dans la culture anatolienne contemporaine. On parle là de symboles qui remontent à plusieurs millénaires mais qui sont présents et qui illustrent d’une certaine façon ce qui se passe aujourd’hui dans la région.

C’est un projet qui mélange ainsi histoire naturelle, expéditions sur le terrain et recherche scientifique avec des séquences narratives qui font référence à ces mythes. En ce sens, ce film a beaucoup de points communs avec Le cosmonaute syrien. Il parle de la terre, des gens, de ce que l’on croit avoir perdu… et de ce qui finit par revenir.

  • Quel regard portes-tu sur les courts métrages documentaires ?


Pour moi, le court métrage documentaire est la pierre angulaire du cinéma. D’ailleurs, les tout premiers films jamais réalisés étaient des courts documentaires, même si le mot « documentaire » n’existait pas encore ! C’est un format à la fois fondamental et puissant.

  • Y a-t-il un film sur 99 qui t’a marqué et que tu recommanderais ?

 

J’ai beaucoup aimé J’aime pas perdre. C’est un film magnifiquement réalisé. En tant que père d’un enfant de 11 ans, l’histoire de Léandre m’a profondément touché. C’est une superbe histoire, magnifiquement racontée. Chapeau bas.

  • Que penses-tu de 99 et du fait que ton film soit maintenant sous-titré en plusieurs langues ?


C’est exactement pour ça que j’ai fait ce film. Je trouve formidable que le film puisse être visionné en autant de langues. Au-delà de ça, je suis vraiment impressionné par la plateforme dans son ensemble, son fonctionnement, son design, tout.

Et bien sûr, félicitations pour votre IDA Award ! Sincèrement, il est amplement mérité.

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